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croisade contre les albigeois.

pères, ni mères, ni fils, ni parents, ne s’attendent l’un l’autre[1], ni le pauvre le riche. Ce fut Rogier Bernart qui commença l’œuvre ; on fit les clôtures, le mur, le fondement, [7450] les fossés, les lices, les créneaux servant à la défense. Mais voilà que par toute la ville s’élève un cri d’allégresse, et on se dit l’un à l’autre : « Réjouissons-nous, car le vaillant Arnaut de Villemur[2] est entré, l’homme courageux et fort, valeureux et sage ! »

[7455] Le comte de Montfort réunit son monde : ils étaient bien cent mille, tous attentifs à ses ordres. Il leur montra Toulouse et ses dépendances : « Seigneurs, » dit le comte, voici la surdent de toute la Chrétienté, de tout salut. [7460] Ils sont si mauvais, si fiers, si braves, si peu regardant à la dépense, qu’ils sont prêts à batailler et à lutter contre le monde entier. Je suis si irrité, si dépité, que mon cœur se déchire et se fend : plus je deviens fort, plus ils deviennent audacieux. Voici que pour leur gloire et pour mon abaissement, [7465] ils ont tout nouvellement accru la ville. Si je ne puis trouver moyen de les confondre, je prise peu ma valeur et votre concours. Mais pourtant, si vous m’en voulez croire, ils sont à leur fin. Pour détruire la ville et en prendre vengeance, [7470] nous ferons un autre siége outre le fleuve rapide[3], de façon qu’aucun d’eux ne puisse seulement entrer ni sortir ; et

  1. Voy. p. 213 n. 4, et cf. le proverbe cité par Cotgrave au mot attendre (et Le Roux de Lincy, II, 427) : « Tout est fait negligemment | La ou l’un a l’autre s’attend. »
  2. Voy. p. 171 n. 1.
  3. C’est-à-dire sur la rive gauche.