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croisade contre les albigeois.

et d’être hors du sens, quand une gent perdue m’a dépouillé, à ce point que [7065] jamais, si longtemps que je vive, je ne m’en serai assez vengé. Mais, par sainte Marie qui a nourri son fils, si je ne puis trouver moyen de les déconfire, je vois mes affaires et les vôtres compromises et à l’aventure. »

CXCIV.

« [7070] Nos affaires sont à l’aventure, et je me croyais si assuré de n’avoir plus à souffrir mal ni guerre, ni peine, sinon du côté de la Provence ; et encore pensais-je bien la conquérir, et abaisser et détruire tous mes ennemis, gouverner mes terres, acquérir assez de puissance [7075] pour me faire obéir de tous par gré ou par force, aimer sainte Église et servir Jésus-Christ ! Maintenant je ne sais plus que dire ni qui m’a ensorcelé : les merveilles que raconte Merlin me semblent se réaliser[1]. [7080] Jamais je n’aurais cru m’abuser à ce point[2] : je croyais être bien sûr et certain que le comte Raimon s’était réfugié chez les Sarrazins, ou dans quelque terre étrangère, que jamais plus je ne le reverrais ici : maintenant je le vois briller d’un nouvel éclat et enflammer maint cœur[3]. [7085] Car

  1. Voir la note 1 de la p. 193. Je ne sais à quelle prophétie il est fait ici allusion.
  2. M. à m. « que mon sens se serait tari ».
  3. Ou, selon une autre lecture proposée à la note du v. 7084, « que je m’étais trompé », mais mesprendre, construit avec aver, signifie ordinairement « faire tort ».