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croisade contre les albigeois.

fleurs, freins et selles, poitraux[1] brisés, [7040] y restent engagés en mainte manière. Au moment où la mêlée se rompit, ils se refrappèrent de telle sorte qu’il n’y a corps ni membre qui ne s’en soit ressenti. Et lorsque, tant du dedans que du dehors[2], on eut abandonné la lutte, [les assiégés] entrent joyeux et triomphants dans la ville, [7045] tandis que les Français s’en reviennent le cœur plein de douleur.

Et quand le comte fut rentré, et qu’on se fut désarmé, le cardinal et l’évêque se présentèrent revêtus des habits sacerdotaux, et saluèrent le comte, lui donnant leur bénédiction. « Sire comte, » dit l’évêque, « ces hommes réprouvés, [7050] si Jésus n’en pense, seront difficiles à convertir. — Évêque, » dit le comte, « Dieu m’a bien protégé, mais je crois que vous et le clergé m’avez trahi, car la place que j’avais conquise la croix à la main, glaive et mauvaise fortune m’en ont dépouillé. — [7055] Comte, » dit le cardinal, « priez le Saint Esprit qu’il n’ait point entendu votre plainte ni votre blasphème, car celui qui se laisse aller à la colère, renonce[3] à merci, à droiture, à sagesse ; et là où merci décline, où le bien est oublié, [7060] merci y perd son nom, le gouvernement et la direction. — Sire, » dit le comte, « pardonnez-moi cette faute, je suis si dépité et si furieux que je ne sais plus ce que j’ai dit. J’ai bien droit d’avoir le dépit au cœur,

  1. Armure de cheval, voy. pp. 212 n. 5 et 324 n. 3.
  2. Assiégés et assiégeants.
  3. Je traduis d’après la correction proposée à la note du v. 7058. On pourrait aussi supposer une lacune, avant ou après ce vers, ou encore après e bon sen.