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croisade contre les albigeois.

n’aviez pas peur. Car pour moi, j’aime mieux combattre qu’être dépouillé. — Sire, » dit Manassès[1], « tout au contraire, n’en faites rien, et, si vous m’en voulez croire, vous agirez plus sagement. Le comte de Toulouse a la chance pour lui, [6690] le comte de Comminges est un chevalier d’élite, le comte de Foix est brave, comme aussi son fils Rogier Bernart, de même B. de Comminges[2], et tant de seigneurs dont vous avez fait périr les parents ; avec eux sont les Toulousains, tous unanimes. [6695] Quand il leur souvient du glaive avec lequel vous les avez saignés, ils se sentent disposés à tout risquer pour vous tuer, ou pour mettre en déroute le siége de l’autre rive. Voilà pourquoi personne ne vous demande ni ne désire le combat. — Seigneurs, » dit le comte, [6700] « je ne puis combattre seul, et il ne me plaît pas de reculer. C’est ma destinée. Mon cœur est triste et glacé, de ce que je n’ai pas le pouvoir comme j’ai la volonté, car vous attisez mon dépit (?), car vous me jetez dans le désespoir, car enfin je quitte le siége honteux et contraint. » [6705] Et là dessus ils sortirent pêle-mêle de la ville[3], chevaliers et bourgeois et maints d’autres en armes, et le siége est levé, et tellement vite abandonné que l’un n’attend pas l’autre[4], mais lui dit : « Marchez ! » Celui-là se tient pour sauvé qui est le plus en avant. [671 0] Le comte bat en retraite en colonne serrée, formant l’arrière-garde avec les mieux montés de ses hommes.

  1. Probablement le même que « Manassès de Cortit », v. 7006.
  2. Fils du comte de Comminges, voy. p. 297 n. 1.
  3. La ville temporaire décrite ci-dessus, v. 6627 et suiv.
  4. Cf. p. 213 n. 4.