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croisade contre les albigeois.

vrer la terre et celui qui en est le légitime héritier[1], car l’audace, la fortune, le courage exigent que chacun fasse tête à l’attaque. » Et on prend masse, pique ou bâton de pommier ; [5900] les crieurs et les porte-bannières remplissent les rues ; on massacre tous les Français qu’on trouve, et les autres cherchent un refuge au Château[2], poursuivis par les cris et les coups. Alors du Château sortirent maints vaillants chevaliers [5905] armés de toutes armes et vêtus du haubert double ; mais les habitants leur inspirèrent une telle crainte qu’aucun n’ose pousser son cheval en avant, ni échanger des coups.

La comtesse cependant se tenait pleine d’anxiété, sous la voûte, au balcon de la riche et large salle ; [5910] elle s’adresse à Gervais, à Lucas[3], à Garnier, à Tibaut de Neuville[4], et brièvement les interroge : « Barons, » dit-elle, « quels sont ces routiers qui m’ont enlevé la ville, et qui faut-il en accuser ? — Dame, » répond Gervais, « il n’y a pas à en douter, [5915] c’est le comte Raimon qui revendique Toulouse, avec Bernart de Comminges que je

  1. « Héritier » au sens du moyen-âge : celui qui possède une eretat (anc. fr. erité), propriétaire.
  2. Le château Narbonnais.
  3. Voy. p. 278 n. 2.
  4. Ce personnage, dont le surnom ne reparaît en nul autre endroit du poème, peut bien être le même que le Tibaut des vers 4840, 5439, etc. Il faisait sans doute partie de la mesnie de Simon de Montfort, car dans les actes de ce dernier on le voit figurer très-fréquemment (Theobaldus de Nova-villa) au nombre des témoins. Le premier acte où je l’aie rencontré est du 20 juin 1211 et le dernier (qui concerne Amauri de Montfort) est du 8 juillet 1218 (Molinier, Catal. nos 45, 79, 93, 95, 101, 105, 110, 111, 112, 151, 163).