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croisade contre les albigeois.

vent rien perdre de leurs biens ni souffrir tourment. » Parlant ainsi, ils arrivèrent près de la ville. [5070] À ce moment voici l’évêque, piquant des deux : il entre par les rues, donnant sa bénédiction ; puis, usant de prière et de commandement, il leur dit : « Barons, sortez de la ville, allez près du bon comte ; car puisque Dieu et l’Église et moi vous l’avons donné, [5075] c’est un devoir pour vous de le recevoir en grande procession. Si vous l’aimez bien, vous en serez récompensés en ce monde, et vous aurez, dans l’autre, la place des confesseurs[1]. Il ne veut rien du vôtre : loin de là, il vous donnera du sien, et en sa garde vous prospérerez de plus en plus. — [5080] Seigneurs, » dit l’abbé de Saint-Sernin[2], « monseigneur l’évêque dit vrai, et vous perdez le pardon. Allez donc jusqu’au comte, pour recevoir son lion[3]. Faites que sa mesnie se loge librement dans vos maisons, et ne le refusez pas. [5085] Vendez-leur honnêtement : ils ne vous feront pas tort pour la valeur d’un bouton. » Là-dessus ils se rendirent au dehors, dans les champs ; celui qui n’avait pas de cheval s’y rendit à pied. Mais voici que par toute la ville se répand une rumeur [5090] qui dit : « Barons, rebroussez chemin tout doucement et secrètement : le comte demande des otages et veut

  1. Confessio désigne ici, comme en beaucoup d’autres textes, la gloire réservée aux « confesseurs », c.-à-d. à ceux qui, sans pourtant avoir subi le martyre, avaient mené une vie sainte ; voy. Du Cange, confessio 2, et confessor 1.
  2. Jordan, abbé de 1212 à 1232 ou 1233, Gall. Christ. XII. 95.
  3. Son enseigne où il y avait un lion.