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croisade contre les albigeois.

premier coup, a amené le six[1]. Et puisque tu demandes un conseil, il n’est pas droit que tu le repousses : envoie-lui deux messagers qui sachent bien parler, afin qu’il te rende tes hommes et tous les chevaux : [4180] ne pouvant les secourir, si tu faisais une si grosse perte, grande serait la honte et le dommage. S’il veut te les rendre, fais-lui dire que tu lui abandonneras la Provence, sans pensée de revendication ; car avec ce qui te reste de terre tu peux encore te faire une belle situation. — [4185] Alain, je doute que ce conseil soit à propos et convenable. Mon poing et ton épée[2] seront sanglants avant que le jeune comte et moi fassions accord ni pour bien ni pour mal. S’il m’a tué du monde, je lui en ai tué deux fois autant, [4190] et s’il m’en prend de vive force, je n’en aurai pas le blâme, car, puissent Dieu et saint Jean m’aider, aussi vrai que je resterais sept ans à ce siége jusqu’à tant que j’aie la ville et puisse la traiter à ma volonté ! » Cela dit, il commande aux siens [4195] de casser des branches et d’apporter du feuillage pour faire des barrières et des palissades par les champs, pour qu’on ne puisse les surprendre ni dormants ni veillants. À la tombée de la nuit se

    une irrégularité, pecaire, forme du sujet, étant resté en usage jusqu’à nos jours ; j’entends pecaire au sens de « malheureux », de même que pecat signifie bien souvent « malheur, infortune », par ex. v. 931, 3370.

  1. C.-à-d. qui, pour son début, a obtenu un grand succès. Voir au vocab. (senas) d’autres exemples de cette locution empruntée au jeu de dés. J’ai quelque doute sur enfans, 4175.
  2. Ou « son épée » (l’épée du jeune comte), selon la correction proposée en note.