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croisade contre les albigeois.

veulent nous combattre de toutes parts [4090] et il est grandement besoin que nous nous mettions tous à l’œuvre, que nous fassions des guérites par les courtines. Mais voilà qu’en peu de temps nous est survenu un contre-temps : ils nous ont enlevé l’eau, les ponts[1], les escaliers. En revanche nous avons assez de vivres pour deux mois entiers ; [4095] puis, si nous sommes à court, nous mangerons les destriers. Le jeune comte est l’héritier légitime de ce château, et s’il peut nous surprendre et nous faire prisonniers, il saura bien nous faire voir qu’il ne veut pas de nous pour co-seigneurs ; mieux vaut donc la mort que tomber vivants entre ses mains[2]. [4100] Le comte de Montfort est un excellent guerrier, et quand il saura les nouvelles il s’empressera de venir ; il est aussi énergique en actions que persuasif en paroles, et saura déjouer les plans les plus habiles. C’est là notre chance de salut. » [4105] Rainier de Chauderon a parlé le dernier : « Seigneurs, qu’il vous souvienne de Guillaume au court nez, combien au siége d’Orange il souffrit de peines[3] : pour la mort ou pour la vie soyons tous d’accord, et que Montfort ni France n’aient reproche de nous. [4110] Si le comte peut nous prendre, notre affaire est réglée, et le plus heureux sera celui qui mourra

  1. Il doit s’agir de ponts mettant le château en communication avec le Rhône.
  2. P.-ê. estiers (4099) est-il une faute, pour entiers ?
  3. Allusion à un récit épique perdu, mais sur lequel on a divers témoignages. Il n’est guère probable qu’on ait voulu rappeler ici le passage de la Prise d’Orange (poëme assez peu ancien, au moins dans la rédaction qui nous est parvenue), où Guillaume soutient un siége très-héroïque, mais très-court, dans Orange, dont il s’était emparé par surprise.