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croisade contre les albigeois.

tant de sang avec de mortels glaives, [3510] que de tant de façons il s’est appliqué à cette œuvre, ce n’est point droit ni raison qu’on lui enlève maintenant la terre ; et on ne voit pas comment on pourrait la lui enlever ; et contre quiconque la lui enlèverait nous prendrions sa défense. — Barons, » dit le pape, « je ne puis que m’ affliger, [3515] quand orgueil et malice ont pris place entre nous. Nous devrions gouverner toute chose par bon droit, et voilà que nous accueillons le mal et détruisons le bien. Et si le comte était condamné, ce qu’il n’est pas, son fils pourquoi perdrait-il la terre et l’héritage ? [3520] Jésus-Christ, roi et seigneur, a dit que le péché du père ne retombe pas sur le fils[1] ; et s’il a dit non, oserons-nous dire oui ? Il n’y a cardinal ni prélat, pour tant qu’il puisse dire, qui ne soit convaincu d’erreur s’il condamne cette parole. [3525] Il y a encore un fait dont il ne vous souvient plus : c’est que lorsque les premiers croisés vinrent en Biterrois, pour ravager la terre, alors que Béziers fut pris, l’enfant était si jeune[2] et si innocent qu’il ne savait pas distinguer le mal du bien ; [3530] il eût mieux aimé un oisillon, un arc ou un piége[3], que la terre d’un duc ou d’un marquis. Et qui d’entre vous oserait prétendre que, sans avoir péché, il doit perdre terre, rente ni cens ? Pour lui encore il a son lignage, [3535] du sang le plus élevé qui puisse être. Et puisqu’il y a en lui un esprit courtois, puisque écriture ni rien ne le

  1. Je ne crois pas qu’il y ait rien de pareil dans aucun des quatre évangiles.
  2. À l’époque du sac de Béziers (juillet 1209), le jeune Raimon accomplissait sa douzième année.
  3. Un piége à prendre les oiseaux.