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croisade contre les albigeois.

accusation ne plaît point à Dieu, car le comte Raimon a pris la croix tout d’abord, a défendu l’Église et exécuté ses ordres ; et si l’Église l’accuse, elle qui devrait le protéger, [3450] elle en aura la faute, et notre crédit baissera. Et vous, sire évêque, vous êtes si mauvais et si plein de fiel, que, par l’effet de votre prédication et de vos dures paroles qui nous compromettent tous, et vous plus que personne, plus de cinq cent mille personnes[1] ont été réduites à une vie misérable, [3455] l’esprit dans l’affliction et le corps saignant. Et alors même que nous[2] serions tous liés par serment prêté sur reliques, nous et tous ces autres qui font tant pour nuire au comte Raimon, pourvu seulement que le seigneur pape se montre équitable et clément, le fils honoré du comte est de si haute race [3460] qu’il ne sera pas longtemps déshérité sans revendication. — Seigneurs, » dit le pape, « vos cruels sentiments, vos prédications pressantes et brûlantes, auxquelles vous vous livrez contre mon gré, je ne sais rien de tout cela ; et je ne dois pas consentir à vos désirs ; [3465] car jamais, par la foi que je vous dois, il ne m’est sorti de la bouche que le comte Raimon dût être condamné ni ruiné. Seigneurs, l’Église reçoit les pécheurs pénitents ; et s’il est accusé par les sots et les ignorants, si jamais il a fait chose qui soit déplaisante à Dieu, [3470] il s’est rendu à moi, soupirant et gémissant, pour accomplir nos décisions

  1. Le même chiffre, assurément exagéré, que plus haut v. 3323.
  2. Dans le texte « vos o aviam », « si nous vous vous avions juré » ; mais on obtient un meilleur sens en corrigeant nos, « si nous avions juré ».