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croisade contre les albigeois.

puisque le droit ni raison ne trouvent faute en lui, dès qu’il n’a tort ni coulpe envers personne vivante, j’admire pourquoi et comment aucun prudhomme peut consentir à sa spoliation. [3225] Le puissant comte mon seigneur, de qui relèvent grandes terres, s’est mis à ta discrétion, lui-même et sa terre, te rendant Provence, Toulouse, Montauban ; [dont les habitants] ont ensuite été livrés aux tourments et à la mort, au pire ennemi, au plus acharné : [3230] à Simon de Montfort, qui les enchaîne, les pend, les extermine, les outrage sans merci. C’est ainsi qu’après s’être mis sous ta protection ils sont venus à la mort ou tombés en péril. Et moi-même, puissant seigneur, par ton ordre [3235] j’ai rendu le château de Foix et ses puissants remparts. Le château est si fort qu’il se défend par lui-même ; j’y avais pain et vin, abondance de viande et de froment, eau claire et douce sous la roche, et mes braves compagnons, et force luisantes armures ; [3240] je ne craignais pas de le perdre (mon château) par aucun assaut. Le cardinal le sait et peut se porter garant de mes paroles. Si tel que je l’ai livré on ne me le rend pas, c’en est fait de la foi aux traités ! » Le cardinal se lève et répond brièvement ; [3245] s’approchant du pape, il lui dit doucement : « Sire, ce que dit le comte est la pure vérité : j’ai réellement reçu le château et l’ai livré ; en ma présence s’y établit l’abbé de Saint- Tibéri[1].

  1. Ce fait est attesté par une lettre d’Innocent III, qui est perdue, mais dont on a le sommaire dans le fragment d’index connu sous le nom de Rubricella ; Migne, Innoc. opera, III, 992 : « Comiti Montis fortis [mandat] quod castrum Fuxense po-