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croisade contre les albigeois.

en retraite. » Le comte de Toulouse prit la parole : « Sire roi d’Aragon, si vous voulez m’écouter, je vous dirai mon sentiment, et ce qu’il est bon de faire. Faisons élever les barrières autour des tentes, [3010] de façon qu’aucun cavalier n’y puisse pénétrer. Et si les Français viennent nous assaillir, nous, avec les arbalètes, nous les atteindrons tous ; lorsqu’ils auront la tête baissée[1], nous pourrons les poursuivre, et ainsi les déconfire entièrement. » [3015] Miquel de Luzia[2] parla ainsi : « Il ne me semble pas bon que le roi d’Aragon commette cette indignité ; et c’est grand péché, quand vous avez la place pour combattre, de vous laisser dépouiller par votre lâcheté. — Seigneurs, » dit le comte, « je ne puis rien de plus. [3020] Qu’il en soit à votre volonté ! Avant la nuit on verra bien qui sera le dernier à lever le camp. » Là-dessus, on crie : Aux armes ! et tous vont s’armer. Jusqu’aux portes ils vont piquant des deux, tellement qu’ils ont forcé les Français de s’enfermer. [3025] À travers la porte ils jettent leurs lances, si bien que ceux du dedans et ceux du dehors se battent sur le seuil, et se jettent dards et lances, et s’assènent de grands coups. De part et d’autre on fait

  1. Sur le cou du cheval, pour fuir. Cf. G. de Puyl. début du ch. XXII.
  2. C’était un seigneur aragonais, que Jacme I nomme en effet dans sa chronique (ch. IX) parmi les hommes de la maynade du roi. Il est témoin à des actes de 1194, 1197, 1211 (n. s.) (Marca hispanica, col. 1385, 1398, 1399 ; P. de Bofarull, Los Condes de Barcelona vindicados, II, 227). Il paraît dans la biographie de Peire Vidal et dans une des pièces de ce troubadour (p. 32 de l’édition de M. Bartsch). Raimon Vidal le mentionne dans sa nouvelle Abril issia (Bartsch, Denkmäler d. provenz. Literatur, 166/33). Il fut tué à Muret (Bouq. XIX, 233 b). Luzia est maintenant Luesia, dans le nord de l’Aragon, partido de Sos : voy. Milá y Fontanals, Trovadores en España, p. 331, note 9.