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croisade contre les albigeois.

mangé, ils virent venir par un coteau le comte de Montfort avec sa bannière, suivi de nombreux Français tous à cheval[1]. La campagne[2] resplendit des heaumes et des épées comme s’ils eussent été de cristal. [2985] Je dis, par saint Martial, que jamais, entre si peu de gens, on ne vit tant de bons vassaux. Ils entrent à Muret par le marché, et vont, montrant la contenance de vrais barons, aux logis, où ils trouvent en abondance pain, vin et viande. [2990] Le lendemain, au jour, le bon roi d’Aragon et tous ses capitaines vont tenir conseil dehors, en un pré, avec le comte de Toulouse, celui de Foix, celui de Comminges au cœur vaillant et loyal, [2995] et maints autres barons, Ugo le sénéchal[3], les bourgeois de Toulouse et tous les artisans[4]. Le roi parla le premier.

CXXXIX.

Le roi parla le premier, car il savait bien parler : « Seigneurs, » leur dit-il, « écoutez ce que je veux vous montrer. [3000] Simon est venu dans la ville et ne peut échapper. C’est pourquoi je veux vous faire savoir que la bataille aura lieu avant la nuit ; et vous, soyez prêt à conduire [vos troupes]. Sachez frapper et donner de grands coups. [3005] Seraient-ils dix fois plus nombreux, nous les ferons battre

  1. Il venait de Fanjaux, en passant par Saverdun et Boulbonne ; voy. P. de V.-C. ch. LXXI et Guil. de Puyl. ch. XXI.
  2. La ribeira (v. 2984) désigne la campagne qui s’étend de chaque côté d’un fleuve : c’est plus que les rives, et ce peut bien n’être pas une vallée, quoique ribeira ait eu, et ait encore en certains pays, ce dernier sens (voy. F. Michel, Guerre de Navarre, p. 415) ; il n’y a plus en français d’équivalent pour ce mot, depuis que rivière a perdu son sens primitif.
  3. Ugo d’Alfar, sur lequel voy. p. 100, note.
  4. Voy. plus loin la note sur le v. 6266.