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croisade contre les albigeois.

CXXIII.

Le preux comte Baudouin et tous ses chevaliers s’en retournent au campement ce soir même. Cependant les pierriers tirent tout le jour sur Moissac, effondrant les murs et les mettant en morceaux. [2590] Ce n’est pas merveille si [les habitants] prennent peur, car ils n’espèrent secours d’aucune part. Il y a bien un mois que le comte de Toulouse est allé là-bas à Bordeaux, pour s’entendre avec Savaric [de Mauléon], et il n’a rien fait qui vaille un denier, [2595] sinon qu’à grand prix il a recouvré son fils[1]. — Je reviens à mon récit que je ne veux point abandonner, et veux vous parler un peu d’un miracle que Jésus le droiturier fit à ceux de l’ost : c’est qu’un grand pan du mur se laissa choir [2600] dans les fossés, de sorte qu’on y pourrait passer[2]. Quand les bourgeois virent cela, il ne vous faut pas demander s’ils en furent épouvantés, eux et les mainadiers. Ils veulent faire accord avec le comte de Montfort ; mais il leur a juré par les saints d’Outre mer[3] [2605] qu’il ne laissera pas échapper en vie un seul d’entre eux, s’ils ne lui livrent les routiers qui lui ont fait du mal. Que servirait de faire durer le récit toute la journée ?

  1. On ne nous avait point dit qu’il eût été enlevé. Il y a dans l’Hist. des ducs de Normandie, p. p. M. Fr. Michel pour la Soc. de l’Hist. de Fr., un passage qui éclaircit l’obscure allusion de G. de Tudèle. Nous y voyons (p. 122) que Savaric, s’étant séparé du comte de Toulouse, lui réclama « ses soldées », que ne pouvant les obtenir, il prit en otage le jeune Raimon, et ne le rendit que moyennant une rançon de dix mille livres.
  2. Circonstance inconnue à P. de V.-C.
  3. Formule de serment fréquente dans les chansons de geste.