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croisade contre les albigeois.

Marie dame ! qui vit telle merveille ? [2330] Les nôtres étaient plus de dix fois autant, je vous assure. » Raimon de Ricaud est si effrayé que jusqu’à Montferrand, au vu de tous, il s’enfuit ; puis, après quelque temps, quand il eut reconnu que le comte de Montfort ne les attaquait pas, [2235] il revint sur ses pas, mais il se garda bien de se désarmer, et cette nuit il ne se coucha ni ne se déshabilla, ni ne ferma l’œil, par foi, ni ne dormit, non plus que le jour suivant.

CV.

Seigneurs, or oyez, puisse Dieu vous bénir ! [2240] ce que fit le comte de Montfort à cette attaque. Quand la lutte fut finie, la bataille gagnée, lui et Bouchart, chacun à haute voix, s’écrient : « Barons, en avant, l’ost est en déroute. » Alors tous ensemble firent une charge vigoureuse ; [2245] ils assaillirent l’ost dans ses tentes et ses pavillons. Sans les fossés et la tranchée que ceux de l’ost avaient faits, l’or de Pavie[1] ne les eût pas sauvés. Voyant qu’ils ne pouvaient passer outre, ces chevaliers se tinrent pour confondus, morts et trahis ; [2250] entre eux ils disaient que ce serait folie de ne point s’en retourner ; qu’ils avaient assez fait pour ce jour-là[2]. Avant de se désarmer, nos gens de

  1. Expression assez fréquente dans notre ancienne poésie :

    Por tot l’or qu’eüst en Pavie

    (Renart, éd. Méon, v. 20390).
  2. « Comes autem noster et qui cum eo erant, a campo, reportata victoria, revertentes, in ipsa tentoria adversariorum irrumpere voluerunt..... Hostes tot se repagulis concluserant et fossatis quod nostri, nisi de equis descenderent, ad eos accedere non valebant. » P. de V.-C. ch. LVII, Bouq. 55 c.