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croisade contre les albigeois.

l’ordre donné, ce n’est pas cent hommes seulement que vous auriez vus : ils sont plus de dix mille, serrés en masse. Ils dressèrent les pierrières, là dehors en un défilé ; chevaliers et sergents leur[1] livrent bataille ; [1670] mais le comte Baudouin, qui est preux et vaillant, se défend le plus qu’il peut avec ses chevaliers. Ils leur[2] brûlèrent les matériaux[3] dans le fossé[4] avec le feu ardent, mais les assiégeants en jettent d’autres aussitôt. Jésus le tout puissant fit pour eux un grand miracle [1675] en permettant qu’ils ne fussent pas pris tous à cet assaut. Le comte de Montfort était bien disposé en faveur du comte Baudouin, et beaucoup d’autres aussi ; à cause du bien qu’ils entendent dire de lui grand pitié leur prend[5]. Pour les autres ils n’eussent pas donné la valeur d’une noix. [1680] Mais le comte de Chalon[6] fit un acte de grande courtoisie, en envoyant un croisé qui cria à haute voix : « Sire comte Baudouin, venez avec sécurité, car monseigneur le comte vous attend au dehors ; tous les barons désirent un accord avec vous. » [1685] Pourquoi allongerais-je le récit ? Le comte sortit à ces mots, sachant bien qu’il n’avait plus guère moyen de se

  1. Aux assiégés.
  2. Aux assiégeants.
  3. Cf. ci-dessus, p. 86, note 2.
  4. De dins, 1872, peut signifier ou « dans le fossé », ou « ceux du dedans (les assiégés) ».
  5. La conduite de Baudouin ressemble fort à une trahison, surtout si on considère les relations qui s’établissent entre lui et le comte de Montfort (voy. la tirade LXXVI). P. de V.-C, qui naturellement accorde à Baudouin les éloges les plus enthousiastes, raconte les mêmes faits avec beaucoup moins de détails (ch. LIV).
  6. Jean le Sage, comte de Chalon-sur-Saône, ou son père Étienne, comte d’Auxonne ? voy. Art de vér. les dates, II, 530.