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[1211]
croisade contre les albigeois.

car jamais homme du monde, sachez-le véritablement, [1560] ne l’aurait quittée sans qu’elle l’eût fait manger. Ce fut à la Sainte-Croix de mai, en été[1], que Lavaur fut détruit comme je vous ai conté. Ils (les croisés) firent avancer la chatte au fond du fossé, jetèrent les matériaux [pour le combler][2] et ont tellement creusé [1565] que ceux de l’intérieur se rendirent, étant pris et forcés. Là fut fait si grand massacre que jusqu’à la fin du monde je crois qu’il en sera parlé. Seigneurs, ils[3] devraient bien par suite de cela s’amender, car je l’ai vu et ouï, et ils ont eu trop à souffrir [1570] pour n’avoir pas fait ce qu’ordonnent les clercs et les croisés ; à la fin ils le feront, lorsqu’ils seront dépouillés, ainsi que firent ceux-ci, et ils n’en auront point gré de Dieu ni de ce monde.

LXIX.

Quand Lavaur fut conquis, à ce temps [1575] se mit en marche le comte de Foix avec les siens ; ayant en sa compagnie les hommes du comte Raimon,

  1. Le 3 mai 1211. C’est aussi la date fournie par P. de V.-C. ch. LII.
  2. Je rends comme je peux le mot pertrait ; proprement « ce qu’on apporte » pertractus. L’opération dont il est ici question est assez bien illustrée par ce passage de Guillaume de Puylaurens (chap. XXX) qui se rapporte au siége de Toulouse en 1217 : « Demum fuit consilium ædificare machinam ligneam, quam vocabant catam, cum qua terram et ligna pertraherent (le pertrait) ad replenda fossata, quibus æquatis pugnam cominus inferrent, et effractis clausulis ligneis insilirent » (Bouquet, XIX, 213 a).
  3. Les hérétiques et leurs adhérents.