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croisade contre les albigeois.

LVII.

Seigneurs, voulez-vous ouïr comment Termes fut pris et comment Jésus Christ y manifesta sa grande puissance ? L’ost demeura à l’entour jusqu’à neuf mois ; Alors l’eau leur[1] a manqué, ayant tari. [1290] Ils avaient assez de vin pour deux mois ou trois, mais je ne crois pas que personne puisse vivre sans eau. Puis il tomba une grande pluie, Dieu et Foi me viennent en aide ! il y eut un grand déluge dont mal leur advint : en tonnes et en vaisseaux ils recueillirent beaucoup d’eau [1295] dont ils se servirent pour pétrir et mettre dans leurs mets[2]. Telle dyssenterie les prit que nul ne savait où il en était. Ils prirent conseil entre eux de s’enfuir chacun plutôt que de mourir de la sorte sans confession[3]. Ils mirent dans le donjon les dames de la ville ; [1300] quand vint la nuit obscure, sans que l’on en sût rien, ils sortirent sans nul bagage ; car je ne crois pas que personne ait rien emporté, sinon de l’argent. Alors Raimon de Termes dit qu’on l’attendît, qu’il allait retourner dans la ville et qu’on l’attendît[4]. [1305] À ce retour les Français le rencontrèrent et l’emmenèrent prisonnier où était le comte[5]. Les autres, Catalans et Aragonais, s’enfuirent pour qu’on ne les occît pas. Mais le comte de

  1. Aux assiégés.
  2. Le sens de conres, que je traduis avec Fauriel par mets, n’est pas très-certain, réd. en pr. : « e calia ne far potagy e prestir le pa » (p. 28).
  3. Cf. v. 1589.
  4. Pour bien entendre ce passage, voir au t. I la note sur 1303.
  5. Voir la note sur 1311.