Page:La Chanson de la croisade contre les Albigeois, 1875, tome 2.djvu/18

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
vj
introduction, § ii.

alors réunis en concile à Lavaur, repoussèrent la supplique du roi, et écrivirent au pape une lettre de la dernière violence contre le comte Raimon. « Cette lettre », dit Pierre de Vaux-Cernai, « trouva le pape aliquantulum durum, eo quod nimis credulus fuisset suggestionibus nuntiorum regis Aragonensium[1]. » Néanmoins nous avons du pape une lettre qui repousse toutes les demandes du roi d’Aragon, et montre beaucoup de dureté pour le comte de Toulouse[2]. C’est alors que le roi d’Aragon, ayant échoué dans ses tentatives conciliantes, se décida à la guerre.

En réalité, les idées exprimées dans la correspondance ne sont guère qu’un reflet de l’opinion des légats. Le pape ne sait pas toujours ce qu’on lui fait écrire[3].


Les lettres des légats ou des évêques réunis en concile ont beaucoup plus de valeur historique, d’autant qu’elles nous apprennent des faits constatés de première main ; mais malheureusement nous n’avons que celles en petit nombre qui

  1. Voy. t. II du présent ouvrage, p. 150, n. 3.
  2. XVI, XLVIII.
  3. Nous avons ailleurs encore la preuve que le pape n’était pas le défenseur à outrance de Simon de Montfort qu’il paraît être dans quelques-unes de ses lettres. Ainsi il sut bien l’obliger à rendre aux seigneurs catalans le jeune Jacme d’Aragon que celui-ci s’obstinait, après la mort de Pierre d’Aragon, à garder auprès de lui. Nous avons sur ce point le témoignage de Jacme lui-même, qui est tout à l’honneur du souverain pontife : « E aquest apostoli papa Innocent fo el meylor apostoli, que de la sao que faem aquest libre en .C. anys passats ne hac tan bo apostoli en la esglesia de Roma, car el era bon clergue en los sabers que tanyen a apostoli de saber, e avia sen natural, e dels sabers del mon havia gran partida. E envia tan forts cartes e tan forts missatgers al comte Simon que el hac a atorgar quens redrie a nostres homens » (édit. Aguiló, ch. X ; cf. de Tourtoulon, Jacme I le conquérant, I, 141-2).