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croisade contre les albigeois.

champ en excommunication et en malédiction. Nous allons donner ces biens à un riche baron [775] qui maintiendra le pays à la satisfaction de Dieu, de façon que les hérétiques félons ne le recouvrent plus jamais. » Finalement, ils consentirent à tout ce que l’abbé leur dit.

XXXIV.

Carcassonne fut prise de la manière que vous avez ouï ; [780] de toute la terre on s’enfuit partout ; l’ost a mis garnison à Montréal et à Fanjaux. Il n’y resta, du pays, homme grand ni petit. Pierre l’Aragonais, un hardi chef d’aventuriers, en eut maint denier pour sa part, à ce que l’on dit[1]. [785] Quant à l’abbé de Cîteaux, ne croyez pas qu’il s’endorme : il leur chanta la messe du Saint-Esprit, et leur prêcha comment Jésus-Christ nacquit ; puis il dit que dans le pays que les croisés ont conquis il veut qu’on élise maintenant un bon seigneur. [790] Il a fait cette proposition au comte de Nevers, mais celui-ci n’y voulut rester ni demeurer à aucun prix, non plus que le comte de Saint-Pol[2], qu’ils ont ensuite choisi. Ils disent chacun

  1. Un « Petrus Aragonensis » figure entre les témoins d’un acte de Simon de Montfort du 20 juillet 1210 (Doat, LXII, 35 ; Molinier, Catalogue, n° 40). — Voici ce que P. de V.-C. rapporte au sujet de la même affaire : « In crastino consuluit dux comiti ut iret ad castrum quoddam quod dicitur Fanum Jovis ; castrum siquidem illud, a militibus et hominibus suis timore nostrorum derelictum, intraverant quidam milites Aragonenses qui erant cum comite nostro et munierant. » P. de V.-C. ch. XXI, Bouquet, p. 24 c.
  2. P. de V.-C. ch. XVII ; Bouquet, p. 22. Selon cet historien