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croisade contre les albigeois.

huant, en agitant leurs drapeaux, au matin quand il fait grand jour.

XIX.

[440] Quand le roi des ribauds[1] les vit escarmoucher contre l’ost des Français, et brailler et crier, et tuer et mettre en pièces un croisé français après l’avoir précipité en bas d’un pont, il appelle tous ses truands et les rassemble. [445] À haute voix ils s’écrient : « Allons les assaillir ! » Aussitôt dit, ils vont s’armer chacun d’une massue : ils n’ont rien de plus, je crois ; ils sont plus de quinze mille sans chaussure. En chemise et en braies ils se mettent à aller [450] tout à l’entour de la ville pour abattre les murs ; dans les fossés ils se jettent et se mettent à saper, tandis que d’autres brisent les portes et les font voler en éclats. Les bourgeois, à cette vue, s’épouvantent ; et ceux de l’ost crient : « Allons tous nous armer ! » [455] Alors vous verriez une telle presse pour entrer dans la ville ! De vive force ils font quitter les murs à ceux de dedans ; [ceux-ci] prennent leurs femmes et leurs enfants et s’en vont à l’église et font sonner les cloches : ils n’ont pas d’autre refuge.

XX.

[460] Les bourgeois de la ville virent venir les croi-

  1. C’était le chef des valets de l’armée, un personnage analogue au rex Thafur que décrit Guibert de Nogent, Gesta Dei per Francos, VIII, XXII (éd. d’Achery, p. 441). Il y eut aussi, de Philippe Auguste à Charles VI, un roi des ribauds dans la maison des rois de France (Du Cange, Rex ribaldorum, sous Ribaldi) ; il figure dans les comptes de Jean Sarrazin (Bouquet, XXI, 352 f, 358 d).