Dieu ne fit savant ni clerc assez lettré pour vous en pouvoir rapporter ni la moitié ni le tiers, qui sût faire la liste des prêtres et des abbés [180] qui se joignirent à l’ost de Béziers hors [de la ville] dans la plaine.
Quand le comte de Toulouse et les autres barons, et le vicomte de Béziers ont ouï le sermon : que les Français se croisent, je ne crois point qu’ils s’en réjouissent : [185] loin de là, ils en sont fort affligés, comme dit la chanson. À un parlement que tint le clergé à cette époque, là-haut[1] à Aubenas, vint le comte Raimon ; là il s’agenouilla et fit son acte de contrition[2] devant monseigneur l’abbé (Arnaut), et le prie qu’il lui pardonne. [190] L’abbé répond qu’il ne le fera pas, qu’il n’en avait pas le pouvoir, si le pape de Rome et ses cardinaux ne lui donnaient à cet égard quelques instructions[3]. Je ne sais que vous en dire, ni pourquoi j’en ferais un long discours : le comte s’en retourne grand train ; [195] il prie le vicomte [de Béziers] son neveu[4] et le requiert de ne pas lui faire la
- ↑ Là-haut, c’est-à-dire dans la direction du Nord ; Aubenas est dans l’Ardèche, arr. de Privas.
- ↑ S’afliction (ou sa fliction) : c’est proprement l’action de s’agenouiller pour faire pénitence.
- ↑ Cette première entrevue du comte de Toulouse et du légat n’est mentionnée nulle autre part. D. Vaissète (III, 157) n’a pu la connaître que par la réd. en pr. qui à cet endroit s’est notablement écartée du texte en vers, voy. les notes sur 188 et 195.
- ↑ La sœur de Raimon VI, Adélaïde, avait épousé en 1171 Roger II, vicomte de Carcassonne et de Béziers ; de ce mariage naquit Raimon Rogier, vers 1185 (Art de vér. les dates, II, 309),