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introduction, § xi.

cependant deux qu’il est indispensable d’examiner ; la rime -ea, -eia et la rime -ot.

-ea, -eia, XVII, LXVI, XCII, CXVI, CXXVIII, CXXXI. Il y a contradiction entre cette rime et celle en -ada de la laisse XII. Comme Guillem a la rime en -at, il semble naturel qu’il ait aussi celle en -ada, et par suite on pourrait être tenté de rétablir sous cette forme purement provençale tout ce qui a la terminaison plutôt française ea, eia (fr. ée). Mais à l’encontre de cette idée on peut faire valoir des arguments décisifs. D’abord il n’est pas à supposer que les copistes méridionaux, par les mains de qui a passé l’écrit de Guillem, aient introduit des formes françaises à la place de formes provençales, tandis que l’hypothèse inverse est vraisemblable : la laisse XII peut avoir été rimée en -ée et corrigée en -ada. Ensuite il y a dans ces laisses un mot au moins qui ne peut recevoir la terminaison -ada ; c’est guerreia, 1519. La terminaison -ea ou -eia est par là garantie. Peut-être Guillem avait-il écrit, à la française, -ée, mais de toute façon ses rimes sont mauvaises, car en français correct les unes devraient être en -iée et les autres en -ée, sans parler de guerreia du v. 1519, qui en français serait guerreie ou guerroie[1].

-ot, III. Les quatorze rimes de cette laisse sont intéressantes : sept (apelot, puiot, amenot, amot, alot, predicot, preiot) sont de ces imparfaits de la première conjugaison qu’on qualifie ordinairement de normands, mais qui en

  1. Dans le voisinage des Alpes, la finale latine -ata devient, non -ada, mais -aya ou -eia ; voir les Chants populaires de la Provence publiés par D. Arbaud (recueillis pour la plupart dans les Basses-Alpes). Il y a déjà des exemples de cette forme dans le Ludus sancti Jacobi. Mais il va sans dire que ce dialecte n’a pu avoir aucune influence sur G. de Tudèle, qui aura certainement visé à faire des rimes françaises.