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106 LA CHANSON A HELENE Comme, à l’aube, les fleurs nouvellement écloses S’inquiètent des jours qui leur sont destinés. Mignonne née d’hier, vos esprits étonnés Semblent peser le bon et le mauvais des choses... Oh ! demeurez... voyez, déjà nos fronts moroses A votre premier cri se sont rassérénés, Et, vous qui n’aimez pas encore, vous tenez Deux cœurs énamourés dans vos petits doigts roses. Vivez ! — il est très-bon de vivre — dans le ciel, Où vous étiez un doux et charmant Ariel, Peut-être vous a-t-on dit du mal de la terre ? N’y croyez point : chez nous, en de merveilleux nids Tièdes, parfumés, abrités de mystère. Chantent les blonds enfants, radieux et bénis ! Octobre 1879. L.-HenrY LECOMTE CONCOURS DE LA LICE CBMSONNIÈRE [Grande Soirée du 15 octobre 1879) 1" Prix

LES DEUX CHATS

Air : T’es mon ami tout d’ même


J'ai pour voisins deux jolis chats,
L'un maigre, l'autre gras ;
Minet voit comblés tous ses vœux,
Matou vit d'espérance...
Le plus heureux des deux
N'est pas celui qu'on pense.

Minet a pour maître un rentier,
Matou, mon savetier ;
L'un a toujours le ventre creux,
L'autre, pleine la panse.
Le plus heureux des deux
N'est pas celui qu'on pense.

Minet — régime plein d'appas —
Fait ses quatre repas ;
Matou, de reliefs douteux
Fait sa maigre pitance.
Le plus heureux des deux
N'est pas celui qu'on pense.

Lorsqu'entouré de soins, chez lui
Minet baille d'ennui,
Matou jouant à divers jeux
S'en donne en conscience !..
Le plus heureux des deux
N'est pas celui qu'on pense.

Minet, pour cause, est impuissant,
Matou, jeune pur-sang,
A vingt rejetons vigoureux
A donné l'existence.
Le plus heureux des deux
N'est pas celui qu'on pense.

Minet, sage chat de bon ton,
Est mis dans du coton :
Matou, pour ses méfaits nombreux
Est mis en pénitence...
Le plus-heureux des deux
N'est pas celui qu'on pense.

Quand Minet dort le plus souvent,
Matou, le nez au vent,
Rôde... afin d'éteindre les feux
Des chattes en démence !...
Le plus heureux des deux
N'est pas celui qu'on pense.

Minet étant pur angora,
Mort, on l'empaillera ;
Matou, lui, sera par des gueux
Mangé ; — c'est sûr d'avance !
Le plus heureux des deux
N'est pas celui qu'on pense.

Minet, c'est le conservateur,
Matou, le novateur ;
L'un a le confort plantureux,
L'autre l'indépendance :
Le plus heureux des deux
N'est pas celui qu'on pense.


HENRY RUBOIS Vice-Président de la Lice Chansonnière.


Vice-Président de la Lice Chansonnière 2° Prix LE GARDEUR DE COCHONS Oh ! les grands bois, le beau soleil. Les champs de blés en fleurs, les roses ! Oh ! les grands bois, le beau soleil, Salut amour ! Salut réveil Des hommes et des choses ! Mon bisaïeul était un serf Descendant tout droit d’un esclave : Mais mon grand-père avait du nerf, Son flls — mon père — était un brave ! Il a jeté dans le ruisseau Les oripeaux de valetaille, La livrée et tout son trousseau ; Aux abus il livra bataille ! Moi je garde encor les cochons, Mais je suis un homme !.. et je vote !.. Mes flls s’instruisent, nous marchons Avec le progrès côte à côte ! Oh ! les grands bois, le beau soleil, etc. Dans la nature tout me plaît Même l’homme s’il n’est maussade ; Je vis de pain, de petit lait. De fromage blanc, de salade. Libre et fier de ma liberté, Je me demande tout de même Si ma peau vaut, en vérité, Celle d’un porte-diadème. Pourquoi pas ? mes lois sont ses lois ! Tout court au même but en somme ; Et, gardeurs de cochons ou rois. Le grand mérite est d’être un homme. Oh ! les grands bois, le beau soleil ! etc.