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Malgré son caractère d’industrie privée, cette fondation peut et doit être considérée comme œuvre d’intérêt régional, tant sont grands et nombreux les services qu’elle est appelée à rendre. L’un des plus appréciables, sera de retenir ici sur place, en leur fournissant les éléments nécessaires pour gagner leur vie, les jeunes gens qui, se destinant à la carrière céramique, ont à cet effet suivi le cours spécial de l’École régionale des Beaux-Arts.

Quel serait, en somme, le sort de ces jeunes gens à leur sortie de l’École des Beaux-Arts, si la Faïencerie du Plan d’Agde n’existait pas ?

Ils devraient nécessairement se dépayser et porter dans de lointaines fabriques les aptitudes acquises et les goûts spéciaux pour la céramique développés dans notre École aux frais de notre département et de notre cité.

Et ce résultat, déplorable à notre avis s’il venait à se produire n’irait-il pas l’encontre de l’esprit qui a animé le Conseil Général de l’Hérault et le Conseil Municipal de Montpellier, dans leurs délibérations ci-dessus mentionnées ?

Il convient maintenant que nous fassions connaître ce que fut la faïencerie à Montpellier. Nous n’insisterons pas sur le point de vue artistique et nous ne mentionnerons que pour mémoire les vieilles faïences disséminées dans les musées ou collections des pays d’Europe et d’outre-mer qui fréquentaient autrefois la foire de Beaucaire, où la manufacture royale d’Ollivier apportait ses « faïence fines. » Ce sont là des recherches et des études au-dessus de nos moyens. Nous voulons seulement démontrer que cette industrie et cet art furent autrefois pour le Languedoc une source considérable de revenus et apporter à l’appui de ce dire quelques documents pris aux Archives départementales.

Il est une certaine catégorie de faïences à décors sur émail jaune, qu’on ne retrouve pas ailleurs et que l’on désigne sous le nom de « vieux Montpellier ». Les amateurs les connaissent bien ; ce sont d’ailleurs les plus recherchées. Mais on se méprendrait à croire que c’étaient les seuls produits de nos manufactures. On en atténuerait considérablement l’importance.

En dehors des objets catalogués sous la rubrique : « vieux Montpellier », il en existe quantité d’autres que leur analogie de décors et de couleurs ont permis de confondre avec les produits des pays étrangers et qui ne s’en distinguent aux yeux d’un expert minutieux que par la qualité même de la faïence. Cela s’explique par ce fait que nombre d’objets de la manufacture d’Ollivier étaient décorés par les peintres italiens des fabriques de Gubbio et de Faënza, qui venaient visiter la France et qui utilisaient en passant les ressources de leur art aux manufactures de Moustiers, Marseille, Montpellier, Nevers, Lunéville et Strasbourg.

L’industrie faïencière, à Montpellier, fut surtout florissante au XVI1Ime siècle ; elle occupa un nombre considérable d’ouvriers, et ruina au sein de notre province le commerce des Gènois et des Hollandais, qui emportaient chaque année des sommes importantes. En 1741, les fabricants de faïences à Montpellier étaient au nombre de six : Boissier, Rolland, Bourcin, Rome, veuve Fortier, et le plus important, Ollivier, qui avait obtenu, dès le mois de Janvier 1725, des lettres patentes portant établissement de sa fabrique en manufacture royale.

Nous ne saurions mieux faire que de citer ici une lettre écrite par ce même Ollivier, sous forme de supplique, où l’on verra un éloquent plaidoyer en faveur de la cause que nous défendons aujourd’hui.

Nous démontrerons ultérieurement que, malgré les changements survenus depuis dans nos conditions économiques, notre département est intéressé pour les mêmes raisons à voir revivre à Montpellier cette industrie jadis si féconde.

Ceci dit, voici la lettre d’Olivier aux États-de-Languedoc :

« À Nosseigneurs des trois États de la province du Languedoc,


» Jacques Ollivier, propriétaire de la manufacture royale de fayance de Montpellier, vous supplie très humblement, Nosseigneurs, de luy accorder le Loyer pour lui servir de Secours pour le soutient de cette manufacture la plus parfaite de cette espèce