Page:La Bulgarie au lendemain d'une crise, 1895.djvu/18

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

chaînes des Turcs, de tendre les bras aux fers des Russes dont il a entendu le cliquetis si proche et si menaçant aux premiers jours de son existence autonome. Feu M. de Giers avait une notion exacte des sentiments bulgares lorsqu’il disait :

Les Bulgares ne veulent pas encore se fondre dans la grande bouillie.» Non, certes ! malgré cette tendance, incompréhensible pour eux, que manifestent certains étrangers à exploiter avec malveillance l’expression de « russophile », et malgré le dépit douloureux que leur causent d’ailleurs les procédés hostiles et dédaigneux de la Russie. Il y a des russophobes en Bulgarie, mais point de russophiles, si du moins on entend par « russophobes » ceux qui persistent à repousser toute entente formelle avec la Russie par crainte de ses visées ambitieuses, et par « russophiles » ceux qui seraient disposés à une réconciliation avec les Russes au prix de l’indépendance de la Bulgarie.

La vérité, c’est que dans leurs aspirations vers la liberté, les Bulgares ne se sont jamais laissé séduire par leurs affinités d’origine et de croyance avec le peuple russe. Aussi longtemps que l’Autriche fut en guerre avec la Turquie, c’est-à-dire pendant des siècles, c’est en l’Autriche seule qu’espéra la Bulgarie. Elle tourna les yeux vers la Rus-