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contre nature de la Bulgarie en deux parties distinctes, dont l’une devenait principauté indépendante, tandis que l’autre, la Roumélie orientale, restait province turque. C’est encore cet antagonisme qui produisit ce phénomène bizarre que la Russie vit avec indignation les deux tronçons de la Bulgarie parvenir, de leur propre initiative et sans aucune ingérence étrangère, à se réunir pour ne former qu’un seul corps politique ; c’est cet antagonisme enfin qui a fait naître chez le peuple bulgare le sentiment que son indépendance était incompatible avec les ambitieux desseins de la Russie.

Est-ce à dire pour cela que le peuple bulgare nie la dette de reconnaissance qu’il a contractée envers ses libérateurs ? Point. Il n’oublie pas que son affranchissement est l’œuvre de la Russie, et se plaint seulement que celle-ci repousse systématiquement ses témoignages de gratitude. Mais les considérations d’indépendance nationale, politique et économique priment le sentiment de reconnaissance, sans l’effacer. Un peuple de cinq millions d’individus qui, après avoir subi cinq siècles de domination mahométane impitoyablement fanatique, n’a vu passer à l’Islam que 170,000 de ses nationaux, n’a nulle envie, à peine échappé aux