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futures qu’un peuple, après des siècles d’asservissement à tous les points de vue — national, intellectuel, économique et religieux, — soit arrivé, en moins de vingt ans, à cette maturité politique surprenante, à ce salutaire empire de soi-même, à cet amour jaloux de l’indépendance, et cela par ses propres forces, au milieu des conditions extérieures et intérieures les plus défavorables. Les contemporains eux-mêmes, qui ont pu suivre jour par jour les progrès de cette évolution nationale et politique sans exemple dans l’histoire, l’ont considérée tout d’abord avec une stupéfaction qui a bientôt fait place à une sympathie sans réserves.

La nation bulgare faisait partie des Rajahs turcs. Est-il besoin de dire la misère, l’oppression, les perpétuels dénis de justice qui accablaient ce malheureux pays ? Est-il besoin de rappeler que les conditions les plus élémentaires d’une existence humaine digne de ce nom lui faisaient totalement défaut ? Des souvenirs confus d’une gloire passée demeuraient ensevelis dans la poussière des vieilles chroniques, mais la liberté et la puissance d’antan ne semblaient plus qu’un songe fugitif à ces malheureuses populations engourdies dans une torpeur sans espoir de réveil. Jadis un prince bulgare, à la tête de son armée victorieuse, avait