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que des éloges ; outre que l’approbation la plus sûre & la moins équivoque eſt le changement de mœurs & la réformation de ceux qui les liſent ou qui les écoutent. On ne doit parler, on ne doit écrire que pour l’inſtruction ; & s’il arrive que l’on plaiſe, il ne faut pas néanmoins s’en repentir, ſi cela ſert à inſinuer & à faire recevoir les véritez qui doivent inſtruire. Quand donc il s’eſt gliſſé dans un livre quelques penſées ou quelques réflexions qui n’ont ni le feu, ni le tour, ni la vivacité des autres, bien qu’elles ſemblent y eſtre admiſes pour la variété pour délaſſer l’eſprit, pour le rendre plus préſent & plus attentif à ce qui va ſuivre, à moins que d’ailleurs elles ne ſoyent ſenſibles, familières, inſtructives, accommodées au ſimple peuple qu’il n’eſt pas permis de négliger, le lecteur peut les condamner, & l’auteur les doit proſcrire : voilà la règle. Il y en a une autre, & que j’ai intéreſt que l’on veuille ſuivre, qui eſt de ne pas perdre mon titre de vue, & de penſer toujours, & dans toute la lecture de cet ouvrage, que ce ſont les caractères ou les mœurs de ce ſiècle que je décris ; car bien que je les tire ſouvent de la cour de France & des hommes de ma nation on ne peut pas néanmoins les reſtreindre à une ſeule cour, ni les renfermer en un ſeul pays, ſans que mon livre ne perde beaucoup de ſon étendue & de ſon utilité, ne s’écarte du plan que je me ſuis foit d’y peindre les hommes en général, comme des raiſons qui entrent dans l’ordre des chapitres & dans une certaine ſuite inſenſible des réflexions qui les compoſent. Après cette précaution ſi néceſſaire, & dont on pénètre aſſez les conſéquences, je crois pouvoir proteſter contre tout chagrin, toute plainte, toute maligne interprétation, toute fauſſe application & toute cenſure, contre les froids plaiſants & les lecteurs mal intentionnez : il faut ſavoir lire, & enſuite ſe