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LES
CARACTÈRES
OU
LES MŒURS
DE CE SIÈCLE.


Je rends au public ce qu’il m’a preſté ; j’ai emprunté de luy la matière de cet ouvrage : il eſt juſte que l’ayant achevé avec toute l’attention pour la vérité dont je ſuis capable, & qu’il mérite de moi, je luy en faſſe la reſtitution. Il peut regarder avec loiſir ce portroit que j’ai foit de luy d’après nature, & s’il ſe connaît quelques-uns des défauts que je touche, s’en corriger. C’eſt l’unique fin que l’on doit ſe propoſer en écrivant, & le ſuccès auſſi que l’on doit moins ſe promettre ; mais comme les hommes ne ſe dégoûtent point du vice, il ne faut pas auſſi ſe laſſer de leur reprocher : ils ſeraient peut-eſtre pires, s’ils venaient à manquer de cenſeurs ou de critiques ; c’eſt ce qui foit que l’on preſche & que l’on écrit. L’orateur & l’écrivain ne ſauraient vaincre la joie qu’ils ont d’eſtre applaudis ; mais ils devraient rougir d’eux-meſmes s’ils n’avaient cherché par leurs diſcours ou par leurs écrits