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Discours

sur

Teophraste

Je n’eſtime pas que l’homme ſoit capable de former dans ſon eſprit un projet plus vain & plus chimerique, que de prétendre en écrivant de quelque art ou de quelque ſcience que ce ſoit, échaper à toute ſorte de critique, & enlever les ſuffrages de tous ſes Lecteurs.

Car ſans m’étendre ſur la difference des eſprits des hommes auſſi prodigieuſe en eux que celle de leurs viſages, qui fait goûter aux uns les choſes de ſpeculation & aux autres celles de pratique ; qui fait que quelques-uns cherchent dans les Livres à exercer leur imagination, quelqu’autres à former leur jugement ; qu’entre ceux qui liſent, ceux-cy aiment à eſtre forcez par la démonſtration, & ceux-là veulent entendre délicatement, ou former des raiſonnemens & des conjectures ; Je me renferme ſeulement dans cette ſcience qui décrit les mœurs, qui examine les hommes, & qui développe leurs caracteres ; & j’oſe dire que ſur les ouvrages qui traitent des choſes qui les touchent de ſi prés, & où il ne s’agit que d’eux-mêmes, ils ſont encore extrémement difficile à contenter.

Quelques Savans ne goûtent que les Apophtegmes des Anciens, & les exemples tirez des Romains, des Grecs, des Perſes, des Égyptiens ; l’hiſtoire du monde preſent leur eſt inſipide ; ils ne ſont