La cauſe la plus immédiate de la ruine & de la déroute des perſonnes des deux conditions, de la robe & de l’épée, eſt que l’état ſeul, & non le bien, règle la dépenſe.
82. — Si vous n’avez rien oublié pour votre fortune, quel travail ! Si vous avez négligé la moindre choſe, quel repentir !
83. — Giton a le teint frais, le viſage plein & les joues pendantes, l’œil fixe & aſſuré, les épaules larges, l’eſtomac haut, la démarche ferme & délibérée. Il parle avec confiance, il foit répéter celuy qui l’entretient, & il ne goûte que médiocrement tout ce qu’il luy dit. Il déploie un ample mouchoir & ſe mouche avec grand bruit ; il crache fort loin, & il éternue fort haut. Il dort le jour, il dort la nuit, & profondément ; il ronfle en compagnie. Il occupe à table & à la promenade plus de place qu’un autre. Il tient le milieu en ſe promenant avec ſes égaux ; il s’arreſte, & l’on s’arreſte ; il continue de marcher, & l’on marche : tous ſe règlent ſur luy. Il interrompt, il redreſſe ceux qui ont la parole : on ne l’interrompt pas, on l’écoute auſſi longtemps qu’il veut parler ; on eſt de ſon avis, on croit les nouvelles qu’il débite. S’il s’aſſied, vous le voyez s’enfoncer dans un fauteuil, croiſer les jambes l’une ſur l’autre, froncer le ſourcil, abaiſſer ſon chapeau ſur ſes yeux pour ne voir perſonne, ou le relever enſuite, & découvrir ſon front par fierté & par audace. Il eſt enjoué, grand rieur, impatient, préſomptueux, colère, libertin, politique, myſtérieux ſur les affaires du temps ; il ſe croit des talents & de l’eſprit. Il eſt riche. Phédon a les yeux creux, le teint échauffé, le corps ſec & le viſage maigre ; il dort peu, & d’un ſommeil fort léger ; il eſt abſtrait, reſveur, & il a avec de l’eſprit l’air d’un ſtupide : il oublie de