ent pas faits de la main des hommes ; épuiſez vos tréſors & votre induſtrie ſur cet ouvrage incomparable ; & après que vous y aurez mis, Zénobie, la dernière main, quelqu’un de ces patres qui habitent les ſables voiſins de Palmyre, devenu riche par les péages de vos rivières, achètera un jour à deniers comptants cette royale maiſon, pour l’embellir, & la rendre plus digne de luy & de ſa fortune.
79. — Ce palais, ces meubles, ces jardins, ces belles eaux vous enchantent & vous font récrier d’une première vue ſur une maiſon ſi délicyeuſe, & ſur l’extreſme bonheur du maître qui la poſſède. Il n’eſt plus ; il n’en a pas joui ſi agréablement ni ſi tranquillement que vous : il n’y a jamais eu un jour ſerein, ni une nuit tranquille ; il s’eſt noyé de dettes pour la porter à ce degré de beauté où elle vous ravit. Ses créanciers l’en ont chaſſé : il a tourné la teſte, & il l’a regardée de loin une dernière fois ; & il eſt mort de ſaiſiſſement.
80. — L’on ne ſauroit s’empeſcher de voir dans certaines familles ce qu’on appelle les caprices du haſard ou les jeux de la fortune. Il y a cent ans qu’on ne parloit point de ces familles, qu’elles n’étaient point : le ciel tout d’un coup s’ouvre en leur faveur les biens les honneurs, les dignitez fondent ſur elles à pluſieurs repriſes ; elles nagent dans la proſpérité. Eumolpe, l’un de ces hommes qui n’ont point de grands-pères, a eu un père du moins qui s’étoit élevé ſi haut, que tout ce qu’il a pu ſouhaiter pendant le cours d’une longue vie, ç’a été de l’atteindre & il l’a atteint. Était-ce dans ces deux perſonnages éminence d’eſprit, profonde capacité ? était-ce les conjonctures ? La fortune enfin ne leur rit plus ; elle ſe joue ailleurs, & traite leur poſtérité comme leurs anceſtres.
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