un secret est la faute de celui qui l’a confié.
82. — Nicandre s’entretient avec Élise de la manière douce et complaisante dont il a vécu avec sa femme, depuis le jour qu’il en fit le choix jusques à sa mort ; il a déjà dit qu’il regrette qu’elle ne lui ait pas laissé des enfants, et il le répète ; il parle des maisons qu’il a à la ville, et bientôt d’une terre qu’il a à la campagne : il calcule le revenu qu’elle lui rapporte, il fait le plan des bâtiments, en décrit la situation, exagère la commodité des appartements, ainsi que la richesse et la propreté des meubles ; il assure qu’il aime la bonne chère, les équipages ; il se plaint que sa femme n’aimait point assez le jeu et la société. « Vous êtes si riche, lui disait l’un de ses amis, que n’achetez-vous cette charge ? pourquoi ne pas faire cette acquisition qui étendrait votre domaine ? On me croit, ajoute-t-il, plus de bien que je n’en possède. » Il n’oublie pas son extraction et ses alliances : Monsieur le Surintendant, qui est mon cousin ; Madame la Chancelière, qui est ma parente ; voilà son style. Il raconte un fait qui prouve le mécontentement qu’il doit avoir de ses plus proches, et de ceux même qui sont ses héritiers : « Ai-je tort ? dit-il à Élise, ai-je grand sujet de leur vouloir du bien ? » et il l’en fait juge. Il insinue ensuite qu’il a une santé faible et languissante, et il parle de la cave où il doit être enterré. Il est insinuant, flatteur, officieux à l’égard de tous ceux qu’il trouve auprès de la personne à qui il aspire. Mais Élise n’a pas le courage d’être riche en l’épousant. On annonce, au moment qu’il parle, un cavalier, qui de sa seule présence démonte la batterie de l’homme de ville : il se lève déconcerté et chagrin, et va dire ailleurs qu’il veut se remarier.
83. — Le sage quelquefois évite le monde, de peur d’être ennuyé.