Page:La Bruyere - Caracteres ed 1696.djvu/162

Cette page n’a pas encore été corrigée

des rangs ne se réveille pas à tous moments par l’offrande l’encens et le pain bénit, par les processions et par les obsèques ; d’où l’on a banni les caquets le mensonge et la médisance ; où l’on voit parler ensemble le bailli et le président, les élus et les assesseurs, où le doyen vit bien avec ses chanoines, où les chanoines ne dédaignent pas les chapelains, et où ceux-ci souffrent les chantres.

51. — Les provinciaux et les sots sont toujours prêts à se fâcher, et à croire qu’on se moque d’eux ou qu’on les méprise : il ne faut jamais hasarder la plaisanterie, même la plus douce et la plus permise, qu’avec des gens polis, ou qui ont de l’esprit.

52. — On ne prime point avec les grands, ils se défendent par leur grandeur ; ni avec les petits, ils vous repoussent par le qui vive.

53. — Tout ce qui est mérite se sent, se discerne, se devine réciproquement : si l’on voulait être estimé, il faudrait vivre avec des personnes estimables.

54. — Celui qui est d’une éminence au-dessus des autres qui le met à couvert de la repartie, ne doit jamais faire une raillerie piquante.

55. — Il y a de petits défauts que l’on abandonne volontiers à la censure, et dont nous ne haïssons pas à être raillés : ce sont de pareils défauts que nous devons choisir pour railler les autres.

56. — Rire des gens d’esprit, c’est le privilège des sots : ils sont dans le monde ce que les fous sont à la cour, je veux dire sans conséquence.

57. — La moquerie est souvent indigence d’esprit.

58. — Vous le croyez votre dupe : s’il feint de l’être qui est plus dupe de lui ou de vous ?

59. — Si vous observez avec soin qui sont les gens qui ne peuvent louer, qui blâment toujours, qui ne sont contents de personne, vous reconnaîtrez que