racontent, et pour détourner les applications ; vous les priez, vous les pressez inutilement : il y a des choses qu’ils ne diront pas, il y a des gens qu’ils ne sauraient nommer, leur parole y est engagée, c’est le dernier secret, c’est un mystère, outre que vous leur demandez l’impossible, car sur ce que vous voulez apprendre d’eux, ils ignorent le fait et les personnes.
9. — Arrias a tout lu, a tout vu, il veut le persuader ainsi ; c’est un homme universel, et il se donne pour tel : il aime mieux mentir que de se taire ou de paraître ignorer quelque chose. On parle à la table d’un grand d’une cour du Nord : il prend la parole, et l’ôte à ceux qui allaient dire ce qu’ils en savent ; il s’oriente dans cette région lointaine comme s’il en était originaire ; il discourt des mœurs de cette cour, des femmes du pays, de ses lois et de ses coutumes ; il récite des historiettes qui y sont arrivées ; il les trouve plaisantes, et il en rit le premier jusqu’à éclater. Quelqu’un se hasarde de le contredire, et lui prouve nettement qu’il dit des choses qui ne sont pas vraies. Arrias ne se trouble point, prend feu au contraire contre l’interrupteur : « Je n’avance, lui dit-il, je ne raconte rien que je ne sache d’original : je l’ai appris de Sethon, ambassadeur de France dans cette cour, revenu à Paris depuis quelques jours, que je connais familièrement, que j’ai fort interrogé, et qui ne m’a caché aucune circonstance. » Il reprenait le fil de sa narration avec plus de confiance qu’il ne l’avait commencée, lorsque l’un des conviés lui dit : « C’est Sethon à qui vous parlez, lui-même, et qui arrive de son ambassade. »
10. — Il y a un parti à prendre, dans les entretiens, entre une certaine paresse qu’on a de parler, ou quelquefois un esprit abstrait, qui, nous jetant loin du sujet de la conversation,