Page:La Bruyere - Caracteres ed 1696.djvu/135

Cette page n’a pas encore été corrigée

8. — Celuy qui a eu l’expérience d’un grand amour néglige l’amitié ; & celuy qui eſt épuiſé ſur l’amitié n’a encore rien foit pour l’amour.

9. — L’amour commence par l’amour ; & l’on ne ſauroit paſſer de la plus forte amitié qu’à un amour faible.

10. — Rien ne reſſemble mieux à une vive amitié, que ces liaiſons que l’intéreſt de noſtre amour nous foit cultiver.

11. — L’on n’aime bien qu’une ſeule fois : c’eſt la première ; les amours qui ſuivent ſont moins involontaires.

12. — L’amour qui naît ſubitement eſt le plus long à guérir.

13. — L’amour qui croît peu à peu & par degrez reſſemble trop à l’amitié pour eſtre une paſſion violente.

14. — Celuy qui aime aſſez pour vouloir aimer un million de fois plus qu’il ne fait, ne cède en amour qu’à celuy qui aime plus qu’il ne voudrait.

15. — Si j’accorde que dans la violence d’une grande paſſion on peut aimer quelqu’un plus que ſoy-meſme, à qui ferai-je plus de plaiſir, ou à ceux qui aiment, ou à ceux qui ſont aimez ?

16. — Les hommes ſouvent veulent aimer, & ne ſauraient y réuſſir : ils cherchent leur défaite ſans pouvoir la rencontrer, et, ſi j’oſe ainſi parler, ils ſont contraints de demeurer libres.

17. — Ceux qui s’aiment d’abord avec la plus violente paſſion contribuent bientoſt chacun de leur part à s’aimer moins, & enſuite à ne s’aimer plus. Qui,