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que ; et même sans être ivre, et de sang-froid, il se distingue dans la danse[1] la plus obscène par les postures les plus indécentes : c’est lui qui dans ces lieux où l’on voit des prestiges[2], s’ingère de recueillir l’argent de chacun des spectateurs, et qui fait querelle à ceux qui étant entrés par billets croient ne devoir rien payer. Il est d’ailleurs de tous métiers, tantôt il tient une taverne, tantôt il est suppôt de quelque lieu infâme, une autre fois partisan, il n’y a point de si sale commerce où il ne soit capable d’entrer ; vous le verrez aujourd’hui crieur public, demain cuisinier ou brelandier, tout lui est propre : S’il a une mère, il la laisse mourir de faim ; il est sujet au larcin, et à se voir traîner par la ville

  1. Cette danse la plus déréglée de toutes s’appelait en Grec cordax, parce que l’on s’y servait d’une corde pour faire des postures.
  2. Choses fort extraordinaires telles qu’on en voit dans nos foires.