Page:La Bruyère - Les Caractères, Michallet, 1688.djvu/71

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

flatteuses pour adoucir ceux qui se plaignent de lui, et qui sont aigris par les injures qu’ils en ont reçues. S’il arrive que quelqu’un l’aborde avec empressement, il feint des affaires, et lui dit de revenir une autre fois ; il cache soigneusement tout ce qu’il fait, et à l’entendre parler, on croirait toujours qu’il délibère ; il ne parle point indifféremment, il a ses raisons pour dire tantôt qu’il ne fait que revenir de la campagne, tantôt qu’il est arrivé à la ville fort tard, et quelquefois qu’il est languissant, ou qu’il a une mauvaise santé. Il dit à celui qui lui emprunte de l’argent à intérêt, ou qui le prie de contribuer[1] de sa part à une somme que ses amis consentent de lui prêter, qu’il ne vend rien, qu’il ne s’est jamais vu si dénué d’argent ; pendant qu’il dit aux autres que

  1. Cette sorte de contribution était fréquente à Athènes, et autorisée par les lois.