justes, régulières, prises dans le bon sens et dans la nature ; soit pour la versification, qui est correcte, riche dans ses rimes, élégante, nombreuse, harmonieuse ; exact imitateur des anciens, dont il a suivi scrupuleusement la netteté et la simplicité de l’action ; à qui le grand et le merveilleux n’ont pas même manqué, ainsi qu’à Corneille ni le touchant ni le pathétique. Quelle plus grande tendresse que celle qui est répandue dans tout le Cid, dans Polyeucte et dans les Horaces ! Quelle grandeur ne se remarque point en Mithridate, en Porus et en Burrhus ! Ces passions encore favorites des anciens, que les tragiques aimaient à exciter sur les théâtres, et qu’on nomme la terreur et la pitié, ont été connues de ces deux poètes : Oreste, dans l’Andromaque de Racine, et Phèdre du même auteur, comme l’Œdipe et les Horaces de Corneille, en sont la preuve. Si cependant il est permis de faire entre eux quelque comparaison et les marquer[1] l’un et l’autre parce qu’ils ont eu de plus propre et par ce qui éclate le plus ordinairement dans leurs ouvrages, peut-être qu’on pourrait parler ainsi : Corneille nous assujettit à ses caractères et à ses idées, Racine se conforme aux nôtres ; celui-là peint les hommes comme ils devraient être, celui-ci les peints tels qu’ils sont ; il y a plus dans le premier de ce que l’on admire et de ce que l’on doit même imiter, il y a plus dans le second de ce que l’on reconnaît dans les autres ou de ce que l’on éprouve dans soi-même ; l’un élève, étonne, maîtrise, instruit ; l’autre plaît, remue, touche, pénètre ; ce qu’il y a de plus beau, de plus noble et de plus impérieux dans la raison est manié par le premier, et par l’autre ce qu’il y a de plus flatteur et de plus délicat dans la passion ; ce sont dans celui-là des maximes, des règles, des préceptes, et dans celui-ci du goût et des sentiments ; l’on est plus occupé aux pièces de Corneille, l’on est plus ébranlé et plus attendri à celles de Racine ; Corneille est plus moral. Racine plus naturel ; il semble que l’un imite Sophocle, et que l’autre doit plus à Euripide.
❡ Le peuple appelle éloquence la facilité que quelques-uns ont de parler seuls et longtemps, jointe à l’emportement du geste, à l’éclat de la voix et à la force des poumons ; les pédants ne l’admettent aussi que dans le discours
- ↑ Le de est bien omis avant les marquer.