❡ Quand une lecture nous élève l’esprit et qu’elle vous inspire des sentiments nobles et courageux, ne cherchez pas une autre règle pour juger de l’ouvrage : il est bon et fait de main d’ouvrier.
❡ Capys, qui s’érige en juge du beau style et qui croit écrire comme Bouhours et Rabutin, résiste à la voix du peuple, et dit tout seul que Damis[1] n’est pas un bon auteur. Damis cède à la multitude et dit ingénuement avec le public que Capys est froid écrivain.
❡ Le devoir du nouvelliste est de dire : « Il y a un tel livre qui court, et qui est imprimé chez Cramoisy, en tel caractère ; il est bien relié et en beau papier ; il se vend tant. » Il doit savoir jusqu’à l’enseigne du libraire qui le débite ; sa folie est d’en vouloir faire la critique.
Le sublime du nouvelliste est le raisonnement creux sur la politique.
Le nouvelliste se couche le soir tranquillement sur une nouvelle qui se corrompt la nuit et qu’il est obligé d’abandonner le matin à son réveil.
❡ Le philosophe consume sa vie à observer les hommes, et il use ses esprits à en démêler les vices et le ridicule ; s’il donne quelque tour à ses pensées, c’est moins par une vanité d’auteur que pour mettre une vérité qu’il a trouvée dans tout le jour nécessaire pour faire l’impression qui doit servir à son dessein. Quelques lecteurs croient néanmoins le payer avec usure s’ils disent magistralement qu’ils ont lu son livre et qu’il y a de l’esprit ; mais il leur renvoie tous leurs éloges, qu’il n’a pas cherché[2] par son travail et par ses veilles : il porte plus haut ses projets et agit pour une fin plus relevée ; il demande des hommes un plus grand et un plus rare succès que les louanges, et même que les récompenses, qui est de les rendre meilleurs.
❡ Les sots lisent un livre et ne l’entendent point ; les esprits médiocres croient l’entendre parfaitement ; les grands esprits ne l’entendent quelquefois pas tout entier : ils trouvent obscur ce qui est obscur, comme ils trouvent clair ce qui est clair ; les beaux esprits veulent trouver obscur ce qui ne l’est point, et ne pas entendre ce qui est fort intelligible.