dans une nuit sereine, du nord au midi, et qui par leur extraordinaire élévation, ne pouvant percer jusqu’à nos yeux pour être vues chacune en particulier, ne font au plus que blanchir cette route des cieux où elles sont placées ?
Me voilà donc sur la terre comme sur un grain de sable qui ne tient à rien, et qui est suspendu au milieu des airs : un nombre presque infini de globes de feu, d’une grandeur inexprimable et qui confond l’imagination, d’une hauteur qui surpasse nos conceptions, tournent, roulent autour de ce grain de sable, et traversent chaque jour, depuis plus de six mille ans, les vastes et immenses espaces des cieux. Voulez-vous un autre système, et qui ne diminue rien du merveilleux ? La terre elle-même est emportée avec une rapidité inconcevable autour du soleil, le centre de l’univers. Je me les représente tous ces globes, ces corps effroyables qui sont en marche ; ils ne s’embarrassent point l’un l’autre, ils ne se choquent point, ils ne se dérangent point : si le plus petit d’eux tous venait à se démentir et à rencontrer la terre, que deviendrait la terre ? Tous au contraire sont en leur place, demeurent dans l’ordre qui leur est prescrit, suivent la route qui leur est marquée, et si paisiblement à notre égard que personne n’a l’oreille assez fine pour les entendre marcher, et que le vulgaire ne sait pas s’ils sont au monde. O économie merveilleuse du hasard ! l’intelligence même pourrait-elle mieux réussir ? Une seule chose, Lucile, me fait de la peine : ces grands corps sont si précis et si constants dans leur marche, dans leurs révolutions et dans tous leurs rapports, qu’un petit animal relégué en un coin de cet espace immense qu’on appelle le monde, après les avoir observés, s’est fait une méthode infaillible de prédire à quel point de leur course tous ces astres se trouveront d’aujourd’hui en deux, en quatre, en vingt mille ans. Voilà mon scrupule, Lucile ; si c’est par hasard qu’ils observent des règles si invariables, qu’est-ce que l’ordre ? qu’est-ce que la règle ?
Je vous demanderai même ce que c’est que le hasard : est-il corps ? est-il esprit ? est-ce un être distingué des autres êtres, qui ait son existence particulière, qui soit quelque part ? ou plutôt n’est-ce pas un mode, ou une façon d’être ? Quand une boule rencontre une pierre, l’on dit : « c’est un hasard » ; mais est-ce autre chose que ces deux