moins combien elle est difficile à assouvir, combien la terre entière est au-dessous d’elle, de quelle nécessité lui devient un être souverainement parfait, qui est Dieu, et quel besoin indispensable elle a d’une religion qui le lui indique, et qui lui en est une caution sûre. Je comprends au contraire fort aisément qu’il est naturel à de tels esprits de tomber dans l’incrédulité ou l’indifférence, et de faire servir Dieu et la religion à la politique, c’est-à-dire à l’ordre et à la décoration de ce monde, la seule chose selon eux qui mérite qu’on y pense.
4 (V)
Quelques-uns achèvent de se corrompre par de longs voyages, et perdent le peu de religion qui leur restait. Ils voient de jour à autre un nouveau culte, diverses mœurs, diverses cérémonies ; ils ressemblent à ceux qui entrent dans les magasins, indéterminés sur le choix des étoffes qu’ils veulent acheter : le grand nombre de celles qu’on leur montre les rend plus indifférents ; elles ont chacune leur agrément et leur bienséance : ils ne se fixent point, ils sortent sans emplette.
5 (V)
Il y a des hommes qui attendent à être dévots et religieux que tout le monde se déclare impie et libertin : ce sera alors le parti du vulgaire, ils sauront s’en dégager. La singularité leur plaît dans une matière si sérieuse et si profonde ; ils ne suivent la mode et le train commun que dans les choses de rien et de nulle suite. Qui sait même s’ils n’ont pas déjà mis une sorte de bravoure et d’intrépidité à courir tout le risque de l’avenir ? Il ne faut pas d’ailleurs que dans une certaine condition, avec une certaine étendue d’esprit et de certaines vues, l’on songe à croire comme les savants et le peuple.
6 (I)
L’on doute de Dieu dans une pleine santé, comme l’on doute que ce soit pécher que d’avoir un commerce avec une personne libre. Quand l’on devient malade, et que l’hydropisie est formée, l’on quitte sa concubine, et l’on croit en Dieu.
7 (I)
Il faudrait s’éprouver et s’examiner très sérieusement, avant que de se déclarer esprit fort ou libertin, afin au moins, et selon ses principes, de finir comme l’on a vécu ;