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vous demandent les sots et les gens d’esprit. Si je réplique que c’est à ouvrir les yeux et à voir, à prêter l’oreille et à entendre, à voir la santé, le repos, la liberté, ce n’est rien dire. Les solides biens, les grands biens, les seuls biens ne sont pas comptés, ne se font pas sentir. Jouez-vous ? masquez-vous ? il faut répondre.

(VII) Est-ce un bien pour l’homme que la liberté, si elle peut être trop grande et trop étendue, telle enfin qu’elle ne serve qu’à lui faire désirer quelque chose, qui est d’avoir moins de liberté ?

(VII) La liberté n’est pas oisiveté ; c’est un usage libre du temps ; c’est le choix du travail et de l’exercice. Etre libre en un mot n’est pas ne rien faire, c’est être seul arbitre de ce qu’on fait ou de ce qu’on ne fait point. Quel bien en ce sens que la liberté !

I05 (I)

César n’était point trop vieux pour penser à la conquête de l’univers ; il n’avait point d’autre béatitude à se faire que le cours d’une belle vie, et un grand nom après sa mort ; né fier, ambitieux, et se portant bien comme il faisait, il ne pouvait mieux employer son temps qu’à conquérir le monde. Alexandre était bien jeune pour un dessein si sérieux : il est étonnant que dans ce premier âge les femmes ou le vin n’aient plus tôt rompu son entreprise.

I06 (I)

Un jeune Prince, d’une race Auguste. L’amour et l’espérance des peuples. Donné du ciel pour prolonger la félicité de la terre. Plus grand que ses Aïeux. Fils d’un Héros qui est son modèle, a déjà montré à l’Univers par ses divines qualités, et par une vertu anticipée, que les enfants des Héros sont plus proches de l’être que les autres hommes.

I07 (IV)

Si le monde dure seulement cent millions d’années, il est encore dans toute sa fraîcheur, et ne fait presque que commencer ; nous-mêmes nous touchons aux premiers hommes et aux patriarches, et qui pourra ne nous pas confondre avec eux dans des siècles si reculés ? Mais si l’on