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Rien ne nous venge mieux des mauvais jugements que les hommes font de notre esprit, de nos mœurs et de nos manières, que l’indignité et le mauvais caractère de ceux qu’ils approuvent.

Du même fonds dont on néglige un homme de mérite, l’on sait encore admirer un sot.

44 (I)

Un sot est celui qui n’a pas même ce qu’il faut d’esprit pour être fat.

45 (I)

Un fat est celui que les sots croient un homme de mérite.

46 (IV)

L’impertinent est un fat outré. Le fat lasse, ennuie, dégoûte, rebute ; l’impertinent rebute, aigrit, irrite, offense : il commence où l’autre finit.

Le fat est entre l’impertinent et le sot : il est composé de l’un et de l’autre.

47

(VII) Les vices partent d’une dépravation du cœur ; les défauts, d’un vice de tempérament ; le ridicule, d’un défaut d’esprit.

(IV) L’homme ridicule est celui qui, tant qu’il demeure tel, a les apparences du sot.

(IV) Le sot ne se tire jamais du ridicule, c’est son caractère ; l’on y entre quelquefois avec de l’esprit, mais l’on en sort.

(VII) Un erreur de fait jette un homme sage dans le ridicule.

(IV) La sottise est dans le sot, la fatuité dans le fat, et l’impertinence dans l’impertinent ; il semble que le ridicule réside tantôt dans celui qui en effet est ridicule ; et tantôt dans l’imagination de ceux qui croient voir le ridicule où il n’est point et ne peut être.

48 (IV)

La grossièreté, la rusticité, la brutalité peuvent être les vices d’un homme d’esprit.

49 (IV)

Le stupide est un sot qui ne parle point, en cela plus supportable que le sot qui parle.

50 (VIII)

La même chose souvent est, dans la bouche d’un homme d’esprit, une naïveté ou un bon mot, et dans celle d’un sot, une sottise.

5I (IV)

Si le fat pouvait craindre de mal parler, il sortirait de son caractère.

52 (IV)

L’une des marques de la médiocrité de l’esprit est de toujours conter.

53 (IV)