sont inquiets et pauvres avec le superflu. Un homme du peuple ne saurait faire aucun mal ; un grand ne veut faire aucun bien, et est capable de grands maux. L’un ne se forme et ne s’exerce que dans les choses qui sont utiles ; l’autre y joint les pernicieuses. Là se montrent ingénument la grossièreté et la franchise ; ici se cache une sève maligne et corrompue sous l’écorce de la politesse. Le peuple n’a guère d’esprit, et les grands n’ont point d’âme : celui-là a un bon fond, et n’a point de dehors ; ceux-ci n’ont que des dehors et qu’une simple superficie. Faut-il opter ? Je ne balance pas : je veux être peuple.
26 (I)
Quelque profonds que soient les grands de la cour, et quelque art qu’ils aient pour paraître ce qu’ils ne sont pas et pour ne point paraître ce qu’ils sont, ils ne peuvent cacher leur malignité, leur extrême pente à rire aux dépens d’autrui, et à jeter un ridicule souvent où il n’y en peut avoir. Ces beaux talents, se découvrent en eux du premier coup d’œil, admirables sans doute pour envelopper une dupe et rendre sot celui qui l’est déjà, mais encore plus propres à leur ôter tout le plaisir qu’ils pourraient tirer d’un homme d’esprit, qui saurait se tourner et se plier en mille manières agréables et réjouissantes, si le dangereux caractère du courtisan ne l’engageait pas à une fort grande retenue. Il lui oppose un caractère sérieux, dans lequel il se retranche ; et il fait si bien que les railleurs, avec des intentions si mauvaises, manquent d’occasions de se jouer de lui.
27 (I)
Les aises de la vie, l’abondance, le calme d’une grande prospérité font que les princes ont de la joie de reste pour rire d’un nain, d’un singe, d’un imbécile et d’un mauvais conte : les gens moins heureux ne rient qu’à propos.
28 (VIII)
Un grand aime la Champagne, abhorre la Brie ; il s’enivre de meilleur vin que l’homme du peuple : seule différence que la crapule laisse entre les conditions les plus disproportionnées, entre le seigneur et l’estafier.
29 (I)
Il semble d’abord qu’il entre dans les plaisirs des princes un peu de celui d’incommoder les autres. Mais non, les princes ressemblent aux hommes ; ils songent à eux-