croit rien, non plus que le public ; parler sans cesse à un grand que l’on sert, en des lieux et en des temps où il convient le moins, lui parler à l’oreille ou en des termes mystérieux, rire jusqu’à éclater en sa présence, lui couper la parole, se mettre entre lui et ceux qui lui parlent, dédaigner ceux qui viennent faire leur cour ou attendre impatiemment qu’ils se retirent, se mettre proche de lui en une posture trop libre, figurer avec lui le dos appuyé à une cheminée, le tirer par son habit, lui marcher sur les talons, faire le familier, prendre des libertés, marquent mieux un fat qu’un favori.
(VI) Un homme sage ni ne se laisse gouverner, ni ne cherche à gouverner les autres : il veut que la raison gouverne seule et toujours.
(VII) Je ne haïrais pas d’être livré par la confiance à une personne raisonnable, et d’en être gouverné en toutes choses, et absolument, et toujours : je serais sûr de bien faire, sans avoir le son de délibérer ; je jouirais de la tranquillité de celui qui est gouverné par la raison.
72 (V)
Toutes les passions sont menteuses : elles se déguisent autant qu’elles le peuvent aux yeux des autres ; elles se cachent à elles-mêmes. Il n’y a point de vice qui n’ait une fausse ressemblance avec quelque vertu, et qui ne s’en aide.
73 (IV)
On ouvre un livre de dévotion, et il touche ; on en ouvre un autre qui est galant, et il fait son impression. Oserai-je dire que le cœur seul concilie les choses contraires, et admet les incompatibles ?
74 (V)
Les hommes rougissent moins de leurs crimes que de leurs faiblesses et de leur vanité. Tel est ouvertement injuste, violent, perfide, calomniateur, qui cache son amour ou son ambition, sans autre vue que de la cacher.
75 (V)
Le cas n’arrive guère où l’on puisse dire : « J’étais ambitieux » ; ou on ne l’est point, ou on l’est toujours ; mais le temps vient où l’on avoue que l’on a aimé.
76 (V)
Les hommes commencent par l’amour, finissent par l’ambition, et ne se trouvent souvent dans une assiette plus tranquille que lorsqu’ils meurent.
77 (IV)