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Comme nous nous affectionnons de plus en plus aux personnes à qui nous faisons du bien, de même nous haïssons violemment ceux que nous avons beaucoup offensés.

69 (I)

Il est également difficile d’étouffer dans les commencements le sentiment des injures et de le conserver après un certain nombre d’années.

70 (VII)

C’est par faiblesse que l’on hait un ennemi, et que l’on songe à s’en venger ; et c’est par paresse que l’on s’apaise, et qu’on ne se venge point.

7I

(V) Il y a bien autant de paresse que de faiblesse à se laisser gouverner.

(VII) Il ne faut pas penser à gouverner un homme tout d’un coup, et sans autre préparation, dans une affaire importante et qui serait capitale à lui ou aux siens ; il sentirait d’abord l’empire et l’ascendant qu’on veut prendre sur son esprit, et il secouerait le joug par honte ou par caprice : il faut tenter auprès de lui les petites choses, et de là le progrès jusqu’aux plus grandes est immanquable. Tel ne pouvait au plus dans les commencements qu’entreprendre de le faire partir pour la campagne ou retourner à la ville, qui finit par lui dicter un testament où il réduit son fils à la légitime.

(VII) Pour gouverner quelqu’un longtemps et absolument, il faut avoir la main légère, et ne lui faire sentir que le moins qu’il se peut sa dépendance.

(VII) Tels se laissent gouverner jusqu’à un certain point, qui au delà sont intraitables et ne se gouvernent plus : on perd tout à coup la route de leur cœur et de leur esprit ; ni hauteur ni souplesse, ni force ni industrie ne les peuvent dompter : avec cette différence que quelques-uns sont ainsi faits par raison et avec fondement, et quelques autres par tempérament et par humeur.

(VII) Il se trouve des hommes qui n’écoutent ni la raison ni les bons conseils, et qui s’égarent volontairement par la crainte qu’ils ont d’être gouvernés.

(VII) D’autres consentent d’être gouvernés par leurs amis en des choses presque indifférentes, et s’en font un droit de les gouverner à leur tour en des choses graves et de conséquence.

(VII) Drance veut passer pour gouverner son maître, qui n’en