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et de me nourrir de viandes saines, et de les acheter peu ; si enfin, par les soins du prince, je n’étais pas aussi content de ma fortune, qu’il doit lui-même par ses vertus l’être de la sienne ?

25 (VII)

Les huit ou les dix mille hommes sont au souverain comme une monnaie dont il achète une place ou une victoire : s’il fait qu’il lui en coûte moins, s’il épargne les hommes, il ressemble à celui qui marchande et qui connaît mieux qu’un autre le prix de l’argent.

26 (VII)

Tout prospère dans une monarchie où l’on confond les intérêts de l’Etat avec ceux du prince.

27 (VII)

Nommer un roi Père du peuple est moins faire son éloge que l’appeler par son nom, ou faire sa définition.

28 (VII)

Il y a un commerce ou un retour de devoirs du souverain à ses sujets, et de ceux-ci au souverain : quels sont les plus assujettissants et les plus pénibles, je ne le déciderai pas. Il s’agit de juger, d’un côté, entre les étroits engagements du respect, des secours, des services, de l’obéissance, de la dépendance ; et d’un autre, les obligations indispensables de bonté, de justice, de soins, de défense, de protection. Dire qu’un prince est arbitre de la vie des hommes, c’est dire seulement que les hommes par leurs crimes deviennent naturellement soumis aux lois et à la justice, dont le prince est le dépositaire : ajouter qu’il est maître absolu de tous les biens de