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dont toute l’Europe est ébranlée : ils ont un sujet vaste et qui les exercera longtemps. Que d’autres augurent, s’ils le peuvent, ce qu’il veut achever dans cette campagne. Je ne parle que de son cœur, que de la pureté et de la droiture de ses intentions : elles sont connues, elles lui échappent. On le félicite sur des titres d’honneur dont il vient de gratifier quelques grands de son Etat : que dit-il ? qu’il ne peut être content quand tous ne le sont pas, et qu’il lui est impossible que tous le soient comme il le voudrait. Il sait, Messieurs, que la fortune d’un roi est de prendre des villes, de gagner des batailles, de reculer ses frontières, d’être craint de ses ennemis ; mais que la gloire du souverain consiste à être aimé de ses peuples, en avoir le cœur, et par le cœur tout ce qu’ils possèdent. Provinces éloignées, provinces voisines, ce prince humain et bienfaisant, que les peintres et les statuaires nous défigurent, vous tend les bras, vous regarde avec des yeux tendres et pleins de douceur ; c’est là son attitude : il veut voir vos habitants, vos bergers danser au son d’une flûte champêtre sous les saules et les peupliers, y mêler leurs voix rustiques, et chanter les louanges de celui qui, avec la paix et les fruits de la paix, leur aura rendu la joie et la sérénité.

C’est pour arriver à ce comble de ses souhaits, la félicité commune, qu’il se livre aux travaux et aux fatigues d’une guerre pénible, qu’il essuie l’inclé